«Il s'efforçait de rire.Et eux aussi riaient, ne se doutant pas un seul instant du gouffre que cache parfois le rire d'un père.»Syrie. Un vieil homme rame à bord d'une barque, seul au milieu d'une immense étendue d'eau. En dessous de lui, sa maison d'enfance, engloutie par le lac artificiel el-Assad en 1973.Fermant les yeux sur la guerre qui gronde, muni d'un masque et d'un tuba, il plonge - et c'est sa vie entière qu'il revoit, ses enfants au temps où ils n'étaient pas encore partis se battre, Sarah, sa femme folle amoureuse de poésie, la prison, son premier amour, sa soif de liberté.
« Avec une maîtrise rare, un souffle pour le moins lyrique, Marie Vingtras nous donne une histoire forte, peuplée d'êtres solitaires, violents, en quête de rédemption ».
Bruno Corty, Le Figaro.
Le blizzard fait rage en Alaska.
Au coeur de la tempête, un jeune garçon disparaît. Il n'aura fallu que quelques secondes, le temps de refaire ses lacets, pour que Bess lâche la main de l'enfant et le perde de vue. Elle se lance à sa recherche, suivie de près par les rares habitants de ce bout du monde. Une course effrénée contre la mort s'engage alors, où la destinée de chacun, face aux éléments, se dévoile.
Marie Vingtras est née à Rennes en 1972. Blizzard est son premier roman.
Dans Signor Hoffman, un écrivain se rend en Italie, invité à évoquer la mémoire de son grand-père, rescapé d'Auschwitz. On le retrouve en route pour une plage de sable noir du Pacifique, puis au coeur d'une plantation de caféiers. Chacune des nouvelles de ce recueil se déroule entre deux pôles, de señor Halfon à signor Hoffman. La musique des mots célèbre tout à la fois la grande misère des hommes et leur folle aptitude à survivre.
Dans Le Boxeur polonais, un enfant interroge son grand-père sur les cinq chiffres qu'il a tatoués sur le bras. La question reste en suspens, jusqu'à un après-midi pluvieux où le grand-père dit à son petit-fils qu'il était dans le camp d'Auschwitz soixante ans auparavant. C'est là qu'il y a rencontré un boxeur polonais juif, qui l'aida à survivre en lui apprenant à se défendre avec le langage. Peu à peu, le narrateur découvre les arcanes de l'histoire.
Avec lucidité et humanité, Edith Bruck revient sur son destin. Tout commence lorsque sa famille, de confession juive, est fauchée par la déportation nazie. L'auteure raconte sa miraculeuse survie dans plusieurs camps de concentration et son difficile retour à la vie. Elle n'a que quinze ans quand elle retrouve le monde des vivants. Elle commence une existence aventureuse, traversée d'espoirs, de désillusions, de débuts artistiques dans des cabarets à travers l'Europe et l'Orient, et enfin, à vingt-quatre ans, trouve refuge en Italie, se sentant chargée du devoir de mémoire, à l'image de son ami Primo Levi.
Dans la Cantabrie du XV? siècle, un massacre antijuif s'annonce. Pour sauver ses deux fils, un couple les envoie sur les routes. Leurs chemins les conduisent à travers l'Europe de la Renaissance, en Afrique du Nord et jusqu'en Amérique. Ils croisent une esclave canarienne devenue la maîtresse puis l'épouse de son maître, un marchand siennois voyageant entre Blois, Séville et Londres, une demoiselle d'honneur aux moeurs assez libres, des ecclésiastiques peu recommandables, et une foule d'individus aussi singuliers qu'émouvants.L'un devient marin et cartographe, intime d'Amerigo Vespucci - le navigateur dont le nom fut donné au Nouveau Monde -, l'autre médecin de Luther - le réformateur et initiateur du protestantisme - en Allemagne.Au terme de cette fresque historique captivante, riche en péripéties et en passions, parviendront-ils à se rejoindre ?
« Assemblage est un livre hors du commun. Natasha Brown manie le langage comme une arme et frappe, encore et encore, avec une élégance dévastatrice. » The Times Découvrir l'âge adulte en pleine crise économique. Rester serviable dans un monde brutal et hostile. Sortir, étudier à Oxbridge, débuter une carrière. Faire tout ce qu'il faut, comme il faut. Acheter un appartement. Acheter des oeuvres d'art. Acheter du bonheur. Et surtout, baisser les yeux. Rester discrète. Continuer comme si de rien n'était.La narratrice d'Assemblage est une femme britannique noire. Elle se prépare à assister à une somptueuse garden-party dans la propriété familiale de son petit ami, située au coeur de la campagne anglaise. C'est l'occasion pour elle d'examiner toutes les facettes de sa personnalité qu'elle a soigneusement assemblées pour passer inaperçue. Mais alors que les minutes défilent et que son avenir semble se dessiner malgré elle, une question la saisit : est-il encore temps de tout recommencer ?
Le premier roman de Natasha Brown a été une véritable déflagration dans le paysage littéraire britannique. « Virtuose » (the Guardian), « tranchant comme un diamant » (The Observer), Assemblage raconte le destin d'une jeune femme et son combat intime pour la liberté.
Traduit de l'anglais par Jakuta Alikavazovic
Nés sous deux étoiles différentes, Mungo le protestant et James le catholique vivent dans un monde hyper-violent où les gangs se livrent une bataille territoriale sans merci au nom d'une idée de la réputation ultra-virile à défendre. Pour être considérés comme des hommes, « des vrais », Mungo et James devraient être des ennemis jurés. Pourtant, les deux garçons s'aiment voyant l'un chez l'autre l'espoir d'un ailleurs.
Mungo doit alors travailler dur pour cacher cet amour interdit, en particulier à son frère aîné Hamish, un chef de gang local, prêt à tout pour défendre son honneur.
Lorsque Mo-maw, la mère de Mungo, l'envoie pour une partie de pêche sur le loch avec deux hommes, « des vrais », qui ont promis à Mo-Maw de faire de lui un homme, un vrai, c'est toute sa vie qui va basculer.
Servi par une écriture nerveuse et étincelante, Mungo brosse le portrait d'un jeune homme qui tente de faire entendre sa vérité dans un lieu et une époque qui exigent une stricte conformité aux normes de classe et de genre.
Naître soeur n'est pas inoffensif. Ainsi pour Vanessa Bell, peintre méconnue à l'aune de "la postérité de noyée" de sa cadette, Virginia Woolf. Ou pour Laura, romancière et aînée, qui veille sur les secrets, soustrait le poison des chagrins. Autant d'amours ennemies, de joies fébriles, de jalousies tristes, qui font les liens ambigus entre soeurs. Portrait en diptyque à la grâce époustouflante, ce récit subjectif de la vie de Vanessa Bell, exprime l'inquiétude d'exister et ce qui, parfois, permet de la conjurer : l'amour d'une soeur.
Un ultime roman comme dernière tentative avant d'abandonner le métier d'écrivain qui condense à lui seul tout le talent de l'auteur pour jouer avec nos émotions.
Quatre personnages : Céleste, Monsieur, le duc de Reschwig et Rose Poussière, comme autant de figures perdues dans la ville de Rowena écrasée par le soleil d'été. Ils suivront chacun leurs trajectoires incertaines, et c'est à une perdition orchestrée à laquelle on assistera, fascinés par la beauté de ce désespoir sans faille.
Une lecture qui ne laissera personne indemne.
«Elle aurait pu renoncer. Elle aurait dû renoncer.Elle se le répéta bien un million de fois toutes les années qui suivirent. Elle eut d'ailleurs une hésitation, peut-être valait-il mieux rester, se rallonger dans la chambrée, à écouter ses deux autres soeurs qui gesticulaient dans leur sommeil, pétaient et miaulaient sous leurs draps à cause de leurs rêves lascifs tout juste pubères. Peut-être valait-il mieux abdiquer, enrager, et se délecter de sa rage, puisqu'il y a un plaisir dans l'abdication, cela va sans dire, le plaisir tragique de la passivité et du dépit, le plaisir du drapage dans la dignité, on ne nous laisse jamais rien faire, on a juste le droit de se taire, on nous enferme, alors que les autres là-bas au loin s'amusent et se goinfrent, qu'est-ce que j'ai fait dans mes vies antérieures pour mériter ça, oh comme je suis malheureuse.Peut-être aussi que le jeu n'en valait pas la chandelle. Mais le jeu, n'est-ce pas, en vaut rarement la chandelle. Le jeu n'est désirable que parce qu'il est le jeu.»Véronique Ovaldé, à travers l'histoire d'une famille frappée par une mystérieuse tragédie, ausculte au plus près les relations que nous entretenons les uns avec les autres et les incessants accommodements qu'il nous faut déployer pour vivre nos vies.
Ce livre rassemble 76 images inédites de la collection de diapositives de Saul Leiter. En avance sur son temps, l'artiste investit la diapositive comme medium dès les années 1955. Le choix s'est porté ici sur les images de "street photography" parmi les 50 000 retrouvées.
Le 1er juillet 1999, Dr Nina Simone a donné un concert exceptionnel au Meltdown Festival, dirigé cette année-là par Nick Cave. Après le spectacle, Warren Ellis, subjugué, s'est hissé sur scène, a décollé le chewing-gum resté sur le piano de Nina Simone et l'a embarqué dans la serviette de l'artiste qu'il a rangée dans un sac Tower Records.
Vingt ans plus tard, lorsque Nick Cave lui demande de participer à son exposition « Stranger than Kindness » à Copenhague, Warren Ellis a l'idée de sublimer, reproduire et détourner ce totem qui ne l'a pas quitté.
Ensemble, ils décident que le chewing-gum sera exposé dans une vitrine, telle une relique. Mais, craignant qu'il ne s'abîme ou se perde, Ellis en fait réaliser des moulages en argent et en or, déclenchant une série d'événements qui le ramènent au temps de son enfance et à son rapport aux objets trouvés.
Le Chewing-gum de Nina Simone explore les liens précieux qui peuvent se tisser à partir d'une chose aussi insignifiante. Il y est question de l'importance que l'on accorde aux objets, aux expériences, et de la spiritualité dont ils s'imprègnent. Warren Ellis y célèbre le procédé artistique, la transmission et la fidélité en amitié.
À l'automne 1959, deux Français passionnés de blues, Jacques Demêtre et Marcel Chauvard, s'envolent pour la première fois aux États-Unis, missionnés par le magazine Jazz Hot. Ils rencontrent Muddy Waters, John Lee Hooker, B.B. King, Champion Jack Dupree, Buddy Guy, J.B. Lenoir, Tampa Red, Elmore James et bien d'autres au cours de leur périple entre New York, Détroit et Chicago.
De Harlem au South Side de Chicago en passant par le Black Bottom de Détroit, ils arpentent les lieux où se joue et se vit le blues: boîtes de nuit, salles de concerts, appartements modestes, églises, sous-sols, studios d'enregistrement et maisons de disques, pour en rapporter un témoignage ainsi que des photographies sans précédent pour l'époque.
Voyage au pays du blues retrace cette odyssée au plus près des artistes, dans leur intimité et leur quotidien, bien avant que ceux-ci ne deviennent des figures tutélaires et indétrônables du blues.
V13 : c'est le nom de code du procès des attentats terroristes qui, le vendredi 13 novembre 2015, ont causé 130 morts au Stade de France, sur des terrasses de l'est parisien, dans la salle de concert du Bataclan.14 accusés, 1800 parties civiles, 350 avocats, un dossier haut de 53 mètres : ce procès hors norme a duré neuf mois, de septembre 2021 à juin 2022. Je l'ai suivi, du premier au dernier jour, pour l'hebdomadaire L'Obs.Expérience éprouvante, souvent bouleversante, fascinante même quand elle était ennuyeuse.Une traversée.
«Nous autres, enfants de l'Europe des riches, qui a produit Auschwitz, nous qui passons pour des êtres civilisés, vivant dans une paix apparente depuis plus de soixante-dix ans, nous pensions être sortis de tout cela. Et aujourd'hui que le monde en est réduit au sauve-qui-peut, aujourd'hui que la grande fuite a commencé, nous sommes encore tout imprégnés du sentiment déraisonnable d'être étrangers aux désastres qui nous environnent.»Face à tant de violence destructrice, d'où pourrait bien venir un élan de reconstruction de l'Europe? Qu'y a-t-il encore d'authentique dans un Occident submergé par le matérialisme? Pourrons-nous nous rétablir sans avoir besoin d'autres guerres et catastrophes?À l'urgence de ces questions, Paolo Rumiz cherche une réponse dans les lieux et parmi les personnes qui continuent de tenir le fil des valeurs essentielles. Ce sont les disciples de Benoît de Nursie, le saint patron de l'Europe. Rumiz les a cherchés dans leurs abbayes, de l'Atlantique aux rives du Danube, des lieux plus forts que les invasions et les guerres. À l'heure où les semeurs d'ivraie tentent de déchirer l'utopie de leurs pères, les hommes qui y vivent selon une «règle» plus que jamais valable aujourd'hui nous disent que l'Europe est, avant tout, un espace millénaire de migrations.
Twyla et Roberta avaient huit ans lorsqu'elles ont atterri dans la même chambre de l'orphelinat St. Bonaventure de Newburgh, au nord de New York. Quatre mois durant, elles sont restées inséparables - puis la vie les a éloignées. Des années plus tard, elles se recroisent trois fois de suite par hasard - dans un dîner, une épicerie, une manifestation.
Chacune, à l'occasion de ces retrouvailles inopinées, va se rendre compte à quel point elle est devenue étrangère à l'autre. Et pourtant, elles demeurent indéfectiblement liées par un événement terrible, remontant à leur enfance à l'orphelinat.
Twyla et Roberta ; l'une est noire ; l'autre est blanche ; mais laquelle ? Le lecteur ne le saura jamais - et c'est tout ce qui fait le vertige et la profondeur de cette histoire, que Toni Morrison a écrite « comme une expérience, dans l'idée d'eff acer toute trace de détermination raciale chez deux personnages pour qui la question de la race est déterminante ».
Un texte à la fois limpide et troublant, au coeur de problématiques qui agitent encore et toujours notre époque - la question raciale, l'identité, la violence, la diff érence, l'aliénation.
Pendant des années, Kessané et sa soeur ont passé une partie de leurs étés en Géorgie, chez leurs grandsparents.
Même quand la situation politique est devenue instable, leur mère, Daredjane, tenait à ne pas les couper de son pays natal, qu'elle avait quitté pour s'installer en France avec son mari. Ainsi, tous les étés des années 1980, la même scène se reproduisait à l'aéroport de Moscou, au retour des vacances : les douanières soviétiques fouillaient les valises, menaçaient, terrorisaient les filles, ne manquant jamais de rappeler à Daredjane qu'ici, elle était soviétique, pas française, jusqu'à ce qu'enfin elles les laissent monter dans leur avion pour Paris.
Leur père, Tamaz, d'origine géorgienne lui aussi, issu de l'émigration de ses parents en 1921, les y attendait. La famille se retrouvait, reprenant le cours paisible des jours, dans leur pavillon du Vésinet.
Bien longtemps après, Daredjane contemple tristement le portrait de Tamaz. Son mari est mort depuis dix ans déjà et elle ne parvient pas à surmonter son chagrin. Dans la belle maison de Kessané en Provence, elle se sent seule, étrangère, tout est trop raffiné, trop loin d'elle et de la simplicité dans laquelle elle a élevé ses filles. Elle reproche à Kessané, devenue une brillante journaliste, de ne pas lui témoigner assez de compassion, de négliger sa soeur, d'être dure. La mort de Tamaz a fait voler en éclats l'harmonie passée, les soeurs, qui furent si proches, se sont éloignées l'une de l'autre.
Les raisons de ce désamour, Kéthévane Davrichewy va dès lors tenter de les élucider à la lumière des souvenirs heureux. Tout était si simple avant, et si romanesque : le coup de foudre de Tamaz pour Daredjane, venue se produire au théâtre des Champs-Élysées avec le Ballet de Géorgie ; la détermination de la belle danseuse à venir le rejoindre à Paris, alors qu'elle était repartie chez elle ; les vacances enchantées des filles avec leur mère dans la maison d'Abkhasie ; les premières amours de Kessané pour ce jeune Géorgien, un voisin de ses grands-parents...
Alternant passé et présent, la subtile romancière excelle à suggérer les failles, à scruter les dissonances - pourquoi Tamaz n'a-t-il jamais accompagné sa femme et ses filles en Géorgie ? - et surtout les silences :
Si on ne parlait pas de politique, encore moins devant les enfants, c'est pourtant sur fond d'exil et de guerre que s'est écrite l'histoire de cette famille apparemment si ordinaire.
Comme autant d'ondes de choc, les drames de leur pays d'origine viennent alors se mêler au drame intime que vivent ces trois femmes soudain confrontées à leur solitude. Nous nous aimions est un très beau roman sur les infinies répercussions que nous fait vivre la perte de l'enfance.
Dans ce café d'un petit bourg où Jean-Luc et Jean- Claude ont la permission, tous les jeudis, de venir boire (sans alcool), les choses prennent ce jeudi un tour inhabituel.
D'abord, il y a ce gars, ce jeune gars aux cheveux si blonds, qui émerveille les deux amis parce qu'il vient d'Abbeville. Et puis demain c'est vendredi, le jour de l'injection retard de Jean-Luc, qui sent en lui quelque chose gronder. Peut-être un écho de la tempête qui vient de balayer tout le canton, et qui met en danger les phoques de la baie, pour lesquels Jean-Claude se fait tant de souci. Il suffira d'un rien, d'une contrariété, un billet de loto qu'on refuse de valider à Jean-Claude pour que tout se dérègle. Sous la pluie battante, le gars blond prend les deux amis en voiture. Au Foyer, où ils ne sont pas rentrés à 18 heures, l'inquiétude monte. Il faut prévenir les gendarmes.
Où vont-ils ? On ne sait pas très bien, au PMU peut-être.
Et ce gars, que leur veut-il, à eux qui sont si vulnérables ?
Du souci, il en sera beaucoup question dans cette histoire dont une vieille dame et une phoque sont les témoins silencieux, et les collégiens d'une classe découverte des témoins beaucoup plus agités. Sur le parking d'Intermarché, ça ne se passe pas très bien.
Faut-il partir encore plus loin, là où la virée pourrait devenir dangereuse ?
On cherchera des abris. Les trouvera-t-on ?
Aujourd'hui, c'est vigilance orange.
Demain c'est vendredi. Le jour de voir les phoques ?
À New York, Laïal tente de se détacher des siens. Au Portugal, Perla apprend à mourir, et sa fille Wanda à devenir mère. À Venise, le Cardinal Luigi de Condotti parle aux abeilles. Le jeune Kola, en Afrique, découvre ce qu'il en est de l'amour qui unit Mado, sa mère, à Youli. Dans l'hôpital de Sakhalin en Russie où un Indien se prend pour le patron de la CIA, Jozef ne fera peut-être jamais le deuil de sa femme... Voici quelques-unes des voix qui peuplent ce roman hors du commun : elles communiquent furtivement par élans charnels, émotionnels ou spirituels. Est-ce par hasard que toutes partagent la lecture des livres de Yazuki, cet écrivain japonais qui cherche son point final et dont tout le monde quête l'opus mythique, Opéra des oiseaux ?
Ainsi se déploie le grand roman de Laurence Nobécourt, tel une partition, de pays en cultures différentes, de langages en paysages inattendus, parfois ressemblants. Les destins s'entrelacent, à l'insu souvent des protagonistes : chacun poursuivant l'équilibre de sa vie, et déséquilibrant peut-être celle d'une autre. Chaque personnage est comme un passage vers un monde, une famille, une psyché ou un trouble. Parfois c'est un enfant, parfois une femme très âgée, parfois un homme dont la voix semble changer, traverser le temps et l'amour.
Entrer dans ce livre magnifique, en 365 jours vastes comme le monde et le temps, c'est accepter de ne plus maîtriser tout à fait le cours des choses, et de s'abandonner à l'énergie déconcertante de la littérature.
La Vie sans histoire de James Castle est la vie mystérieuse, secrète et fascinante d'un enfant sourd et illettré qui vécut au siècle dernier en Idaho - État reculé d'une Amérique à la Faulkner -, et qui est aujourd'hui considéré comme un artiste majeur du XXe siècle.
Doué d'une exceptionnelle mémoire visuelle, James Castle a dessiné sans relâche les paysages, les maisons et les objets constituant la « vie sans histoire » de la vallée perdue de son enfance, ainsi que l'école pour sourds où il passa cinq années. Illettré mais fasciné par l'écriture et l'édition, James Castle a aussi « écrit » d'étranges livres illisibles qu'il cachait parfois dans les murs et sous les toits des maisons et du poulailler où il dessinait entouré de ses « amis », des pantins de carton.
Découverte tardivement grâce à l'un de ses neveux, l'oeuvre de James Castle, rencontre inattendue entre l'Amérique profonde (digne des photos de Dorothea Lange ou de Walker Evans) et l'art moderne et contemporain, a fait l'objet d'importantes expositions dans les plus grands musées et galeries américaines ainsi qu'en Espagne, en Angleterre ou au Japon, mais elle demeure quasiment inconnue en France.
Août 1985. À Paris, une femme s'est laissée mourir de faim chez elle pendant quarante-cinq jours en tenant le journal de son agonie. Son cadavre n'a été découvert que dix mois plus tard. À l'époque, Grégoire Bouillier entend ce fait divers à la radio. Et plus jamais ne l'oublie. Or, en 2018, le hasard le met sur la piste de cette femme. Qui était-elle ? Pourquoi avoir écrit son agonie ? Comment un être humain peut-il s'infliger - ou infliger au monde - une telle punition ?Se transformant en détective privé assisté de la fidèle (et joyeuse) Penny, l'auteur se lance alors dans une folle enquête pour reconstituer la vie de cette femme qui fut mannequin dans les années 50 : à partir des archives et de sa généalogie, de son enfance dans le Paris des années 20 à son mariage pendant l'Occupation... Un grand voyage dans le temps et l'espace. Sont même convoqués le cinéma et les sciences occultes, afin d'élucider ce fait divers. «Élucider voulant dire non pas faire toute la lumière sur le drame mais clarifier les termes mêmes de sa noirceur.»
Paris, 1929. Lee Miller, une jeune américaine, débarque à Paris. Mannequin, belle comme le jour, elle rêve pourtant de passer derrière l'objectif, animée d'une seule obsession : la photographie. Presque par hasard, Lee attire l'attention de Man Ray, illustre photographe gravitant dans le Montparnasse surréaliste de Dalí et sa bande d'extravagants créateurs. Elle deviendra l'assistante, l'élève puis l'amante du grand photographe. Dans l'intimité de la chambre noire, leur art et, très vite, leurs corps se lient et s'unissent. Mais alors que Lee se révèle une artiste hors pair, Man, jaloux maladif et génie égocentrique, ne peut bientôt plus supporter l'ascension de celle à qui il a tout appris.
Des cabarets du Paris bohème aux champs de bataille d'une Europe déchirée par la Seconde Guerre mondiale, de la découverte de techniques de photographie révolutionnaires à l'immortalisation de la libération des camps de concentration, Lee Miller s'impose comme une artiste absolue, une femme hors du commun.
Dans la maison, tous les matins, je laisse Richter jouer Haydn, on pourrait l'écouter sans cesse, ré mineur, concert public de Mantoue, notes vives et détachées, j'aime le futur immédiat, je ne crains pas la répétition, jeu enfantin, cercle qui ne va nulle part, on écrit toujours pour une voix disait Beckett, pas de voix, pas de notes ni de mots. Le bonheur est possible. Je répète. Le bonheur est possible.Ph. S.
Rome, fi n des années 1960. Leo Gazzarra, milanais d'origine, est depuis quelques années installé dans la capitale. Il vit de petits boulots pour des revues et des journaux. Viscéralement inadapté, dans un monde où il ne parvient pas à trouver sa place, il se laisse aller à des journées qui se ressemblent et à des nuits souvent alcoolisées. Leo n'en veut à personne et ne revendique rien. Le soir de ses trente ans, il rencontre Arianna, une jeune femme exubérante à la fois fragile et séductrice. Sûre de sa beauté mais incapable d'exprimer ses véritables sentiments, Arianna est évanescente. Elle apparaît et disparaît, bouleversant le quotidien mélancolique d'un homme qu'elle aurait peut-être pu sauver de sa dérive existentielle.Dans ce premier roman, paru pour la première fois en Italie en 1973, Gianfranco Calligarich évoque les cercles intellectuels et mondains de l'époque tout en dressant le portrait d'un homme qui cherche un sens à sa vie. Une histoire d'amour et de solitude, récit d'un renoncement tranquille, qui nous plonge dans une Rome solaire, magnétique.